Place de la Bastille, par Barbara Redmond

Barbara Redmond

Par Andrea Johnson

(English) Au 18ème siècle, en France, le roi Louis XVI et sa bande de riches et nobles joyeux lurons faisaient débat. Le peuple avait le sentiment que le gouvernement n’avait pas conscience des problèmes de la réalité et ne pensait qu’à dépenser de l’argent. Selon la légende, la classe moyenne et les plus pauvres se sentirent de plus en plus révoltés par le comportement indécent prôné par cette monarchie absolue conservatrice et par les aristocrates qui en profitaient. Après tout, le château de Versailles n’était-il pas le symbole même de cette profonde disparité entre riches et pauvres ? La Révolution française éclata dans une période agitée au niveau politique, social, financier et idéologique et le peuple commença à en avoir marre du roi Louis et de ses idées archaïques sur la vie, de sa façon de régner sur le pays et des impôts qu’il imposait. C’est un peuple indigné qui descendit dans la rue pour faire entendre sa voix (de façon pacifique ou non). Ces émeutes menèrent finalement à la prise de la Bastille le 14 juillet 1789.

Les Français et beaucoup d’entre nous, francophiles, célébrons toujours cette date qui est le jour d’indépendance de la France. La prise de la Bastille est considérée comme un événement majeur dans la Révolution française : elle représente l’apogée de la passion et du combat du peuple français. Peu de temps après, la première République naissait en 1792, s’emparant de la tête de l’Etat à la place du roi Louis. La France entrait alors dans le siècle des Lumières, l’âge d’or du romantisme qui transforma les civilisations occidentales telles qu’on les connaît aujourd’hui et consacra le slogan français : liberté, égalité et fraternité. La naissance de Marianne, symbole de la République, entraîna inévitablement la mort du roi Louis XVI seulement une année plus tard, preuve que deux personnalités si opposées ne pouvaient pas vivre ensemble dans le même monde. On connaît tous la suite de l’histoire : la lame tranchante de la guillotine et les têtes du roi Louis et de sa reine Marie Antoinette roulant sur les pavés. Ce sont des faits historiques.

De cette histoire, nous vient une anecdote, devenue légende, qui commence avec une gourde. Sur cette gourde est inscrit le nom de Maximilien Bourdaloue et à côté une inscription selon laquelle cette gourde contiendrait le mouchoir dudit Monsieur Bourdaloue avec lequel il aurait essuyé le sang du roi Louis XVI, juste après sa décapitation. Un vrai trésor historique ! On pourrait croire que cette histoire est tout droit sorti d’un conte et pourtant l’historien Charlier et ses collègues ont récemment prouvé la véracité de cette anecdote dans leur article “Genetic comparison of the head of Henri IV and the presumptive blood from Louis XVI (both Kings of France)” dans le magazine Forensic Science International1.

C’est une histoire digne du scénario de Jurassic Park et pourtant, l’extraction et la comparaison d’ADN ne sont pas si compliquées, pas besoin d’avoir le cerveau d’Einstein pour comprendre ! Le plus gros problème auquel on peut être confronté lorsque l’on travaille sur des échantillons aussi vieux est que la quantité d’ADN peut se réduire. Par conséquent, la première chose à faire est de multiplier la quantité de l’ADN.

La réaction en chaîne par polymérase (PCR) permet de dupliquer l’ADN. A partir d’un échantillon d’ADN prélevé sur un organisme vivant, la PCR permet d’obtenir un très grand nombre de copies de la séquence de cet ADN. Cette réaction, récompensée par un prix Nobel, permet de multiplier par un million la quantité d’un minuscule échantillon d’ADN grâce à une protéine unique qui peut agir dans les conditions de chaleur extrême nécessaires à la PCR. Dans l’expérience de Charlier, l’organisme vivant à partir duquel un échantillon d’ADN est prélevé n’est autre  que ce que l’on croit être le sang du roi Louis XVI, retrouvé à l’intérieur de la légendaire gourde.

1.  P. Charlier, et al., “Genetic comparison of the head of Henri IV and the presumptive blood from Louis XVI (both Kings of France),” Forensic Sci. Int. (2012), http://dx.doi.org/10.1016/j.forsciint.2012.11.018

Plusieurs composants font partie de la solution de la PCR mais il est important de préciser qu’il est absolument nécessaire d’y ajouter des nucléotides ainsi que des nucléotides marqués par un indicateur fluorescent. Les nucléotides forment la base de l’ADN de tous les êtres vivants sur cette planète. Il existe quatre nucléotides différents dont la structure diffère légèrement. C’est la séquence de ces nucléotides dans notre ADN qui fournit les informations nécessaires à notre corps pour survivre.

En résumé, voici comment fonctionne la PCR : dénaturation, hybridation et élongation. Répéter le tout. Simple comme bonjour, non ? Dénaturer permet de séparer les deux brins de la double hélice d’ADN. L’hybridation permet d’attacher les nouveaux nucléotides, un à un, à chacun des brins d’ADN, formant ainsi deux hélices là où il n’y en avait qu’une avant. Répéter ce procédé permet littéralement de produire des millions de copie d’une hélice d’ADN simple. Cependant, lorsque les nucléotides marqués par un indicateur fluorescent sont incorporés à un brin, la croissance de ce brin est stoppée. Le résultat est un mélange de plusieurs brins d’ADN de longueurs différentes. En théorie, on pourrait avoir des brins d’ADN de toutes les tailles possibles et imaginables.

Maintenant que nous avons une quantité d’ADN significative, comment procéder ? Il faut séquencer l’ADN. L’ADN est globalement le même chez tous les individus, il faut donc analyser ce que l’on appelle les régions hypervariables. Ces régions sont en général différentes d’une personne à l’autre et nous fournissent la preuve la plus tangible que l’échantillon d’ADN appartient à notre défunt roi.La région hypervariable 1 de l’ADN de notre ami Louis a été comparée avec un échantillon censé appartenir à l’un de ses célèbres parents, le roi Henri IV.

La méthode décrite dans l’étude de Charlier pour le séquençage de l’ADN est appelée électrophorèse capillaire. Ce procédé permet de séparer les brins d’ADN en plaçant l’échantillon dans un gel qui se comporte comme un tamis moléculaire et qui filtre les brins d’ADN selon la longueur. Les brins sont alors analysés à l’aide d’une machine, dans ce cas précis, un analyseur automatique de biologie moléculaire (Genetic Analyzer from Applied Biosystems) qui reconnaît les indicateurs fluorescents au bout de chacun des brins. Les indicateurs fluorescents sont uniques pour chaque nucléotide et l’analyseur permet de reconnaître quels sont les indicateurs associés à chacun des nucléotides. Enfin, l’analyseur produit un spectre qui sera étudié par les scientifiques, avec des pics de couleur, chaque pic indiquant, dans l’ordre, l’identité de chacun des nucléotides présents dans la séquence.

Grâce à cette expérience, Charlier et ses collègues ont découvert trois mutations rares dans l’ADN du roi Louis. Seulement une personne sur une base de données de 22 807 Européens présente les mêmes mutations. Cette preuve ainsi que la comparaison avec le profil chromosomique de Henri IV permettent de renforcer l’hypothèse selon laquelle il s’agit bien du sang du roi Louis XVI dans la gourde.

La technologie moderne nous étonnera toujours. Grâce à elle, nous pouvons trouver les réponses à de grands mystères historiques qui sont en fait avérés. Le narcissique roi Louis serait sans aucun doute surpris et flatté d’être au coeur d’un buzz scientifique au 21ème siècle. Malheureusement, cela ne suffit pas à éclipser sa réputation en tant que dernier Roi de France. Mais pour nous, francophiles, c’est un morceau important de l’Histoire française qui se rapproche de plus en plus de la réalité sous nos propres yeux. S’il est vrai que le roi Louis XVI n’a pas régné longtemps, il continue à régner à travers la fascination des étudiants d’histoire et de français. Vive le roi !

Remerciements : nous remercions les personnes qui ont contribué à la traduction de cet article : Elyse Rozina, traductrice à A Woman’s Paris, étudiante du français et de l’italien à l’université de Minnesota Twin Cities, Suzy Keller, traductrice diplômée de l’ITI-RI.

Andrea Johnson photo Cropped VerticalAndrea Johnson a obtenu un B.S en biochimie avec une option en français à l’Université de Minnesota en mai 2012. Elle a passé un semestre en France où elle a cultivé son amour pour la langue française, la nourriture, le vin, et les interactions multiculturelles. Elle habite à Minneapolis où elle travaille aux Pace Analytical Services à 3M. Un soir par semaine, elle fait du bénévolat aux urgences de hôpital pour les enfants Amplatz Children’s Hospital à Minneapolis. Bien qu’elle aime vivre dans son Etat d’origine, le Minnesota, elle est impatiente de retourner à l’étranger parce que pour elle, le voyage est indispensable au bonheur. 

Vous aimerez aussi les articles suivants : 

French Crown Jewels: Empress Eugénie and French Empress Eugénie and her diamonds, by Barbara Redmond who writes about pieces from Empress Eugénie’s private collection and the French Crown Jewels that were split up by the national assembly and sold at public auction. Stories of Empress Eugénie’s famous Bow Brooch, Pearl and Diamond Tiara, and private jewels. Including Barbara’s favorite book about the jewels in the Louvre, Paris.

Bastille Day in France: Tyrants and tigers and blood, oh my! by Canadian writer Philippa Campsie who says, if you are going to be in France this coming Bastille Day (usually known as le quatorze juillet or la fête nationale in France), you might want to learn the words to La Marseillaise, which has been France’s national anthem (off and on) since the days of the Revolution. Including words to the anthem in French with English translation.

Marianne: National emblem of France, by Canadian writer Philippa Campsie who tells about Marianne, the feminine symbol of liberty and republicanism in France. Originally, images of Marianne were created using anonymous models, but modern depictions have featured famous French beauties, such as Brigitte Bardot, Mireille Mathieu, Catherine Deneuve, fashion designer Inès de la Fressange, among others.

“Les Misérables” de Tom Hooper est grand, magnifique… fade? Tom Hooper’s “Les Miserables,” is big, breathtaking… bland? Film critic David Lundin gives us a view, behind the scenes, of the making of this 2012 Hollywood movi-musical, Les Miserables, based on Victor Hugo’s novel of the same name published in 1862. Les Miserables is an operatic tale of a man’s struggle to find peace against the backdrop of a growing people’s revolution and weaves the stories of a dozen or so primary and secondary characters. 

Text copyright ©2013 Andrea Johnson. All rights reserved.
Illustration copyright ©2012 Barbara Redmond. All rights reserved.
barbara@awomansparis.com