Garden, by Michelle Schwartzbauer

Michelle Schwartzbauer

Par Hicham Sbaa

(English) Le vent souffle, caressant ses beaux cheveux gris. Elle est assise là, un sourire aux lèvres, dans son fauteuil à bascule, sirotant un café. Elle aime s’asseoir dans ce fauteuil en bois, magnifiquement sculpté à la main par son défunt mari, il y a des années de cela. Il avait fait deux fauteuils à bascule et une belle petite table pour eux deux, pour qu’ils puissent s’asseoir ensemble sur le perron et discuter pendant des heures de la vie, ce qu’elle appréciait particulièrement. Aujourd’hui, elle s’attarde là, toute seule, assise dans sa chaise, en lisant le journal ou en regardant les enfants des voisins jouer et courir partout.

Il y a longtemps, elle avait une fille et un fils qu’elle aimait de tout son cœur. Elle s’est occupée d’eux jusqu’à ce qu’ils soient en âge de se se débrouiller d’eux-mêmes et lorsqu’arriva ce jour, ils partirent de la maison, la laissant seule. A présent, ils viennent lui rendre visite une ou deux fois par an mais ils ne téléphonent presque plus et, depuis la mort de son mari il y a quelques années, elle est toute seule. Et la solitude se fait de plus en plus ressentir. Au début, c’était supportable : elle avait certains de ses vieux amis et de ses voisins pour lui tenir compagnie. Mais année après année, elle les a vus mourir l’un après l’autre et elle se retrouva à nouveau seule. Elle avait toujours pensé que c’était une bénédiction que de vivre jusqu’à quatre-vingts, quatre-vingt-dix ou même cent ans. Mais maintenant elle a plutôt l’impression qu’il s’agit d’une malédiction. C’est trop douloureux de voir ses amis et ses proches disparaître les uns après les autres.Au début, la solitude ne la dérangeait pas tant que ça : elle essayait d’être toujours occupée. Elle se trouva de nouveaux loisirs dont le jardinage. Elle commença à s’occuper de plus en plus de ses fleurs et de ses plantes et, en à peine quelques semaines, elle transforma le terrain vague qui se trouvait devant chez elle en un merveilleux jardin qui faisait envier tout le voisinage. Mais jour après jour, semaine après semaine, elle cessa de s’en occuper et son jardin retourna à l’abandon. C’est dommage, tout le monde aimait ce jardin. Cela m’a toujours fasciné de voir comment certaines personnes sont capables de passer du temps et de travailler dur pour accomplir quelque chose de beau pour finalement tout abandonner comme si ça n’avait plus d’importance, comme si tous ces efforts et ce temps passé avaient été en vain.

Quelques semaines après, elle s’était mise au tricot : tricoter l’avait toujours fascinée. Elle avait toujours voulu savoir tricoter. Réaliser de magnifiques vêtements à partir de seulement quelques pelotes de laines, c’est comme peindre un chef d’oeuvre avec seulement quelques tubes de peinture. L’important, c’est les détails : une simple petite erreur peut tout gâcher. Il faut savoir choisir les bonnes couleurs, les bons motifs et les bons points. C’est tout un art. Elle pensait que cela pourrait être amusant de tricoter des chaussettes en laine pour ses petits-enfants qu’elle ne voyait plus mais finalement, elle s’en lassa aussi. Après seulement quelques mois, elle passa à autre chose.

Elle commença à passer le plus clair de son temps dehors, se promenant d’une boutique à l’autre, dépensant son argent pour s’acheter quelques heures de plaisir. Elle savait bien qu’elle n’utiliserait probablement jamais la plupart des choses qu’elle achetait mais cela lui faisait du bien d’être habillée de façon élégante, bien coiffée, maquillée, de prendre le métro, d’acheter des choses, de parler avec les gens et de voir le monde. Elle était à nouveau quelqu’un. Elle était à nouveau heureuse.

Peu importe où elle allait ou ce qu’elle faisait. Tout ce qui comptait était qu’elle soit dehors, qu’elle puisse voir les autres et que les autres puissent la voir et, quelque part, cela lui suffisait. C’est étonnant de voir qu’une chose si insignifiante, que tout le monde considère comme normal, peut pourtant signifier le monde pour quelqu’un.
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Un jour, elle sortit de chez elle, se rendit comme d’habitude à la station de métro, oblitéra son ticket, descendit les escaliers et s’engouffra dans le métro. Elle allait au centre-ville, elle était impatiente d’y aller. La simple idée d’aller faire du shopping, d’essayer des habits élégants et des bijoux de luxe suffisait à la faire sourire. Elle regarda à travers la fenêtre alors qu’elle tenait son sac contre sa poitrine. Le métro commença à prendre de la vitesse mais elle avait l’impression d’être assise, immobile, alors que tout bougeait si rapidement autour d’elle. Elle aimait regarder le monde défiler, la diversité des paysages, des arbres, des bâtiments puis des rues. Soudain, elle se retrouva dans le noir alors que le métro disparaissait dans un des nombreux tunnels souterrains. Elle se retrouva à contempler son propre reflet.

Elle observa cette femme dans la fenêtre qui la regardait fixement. « Est-ce que cette vieille femme qui semble si seule est vraiment moi ? » se demanda-t-elle alors qu’elle passait la main dans ses cheveux gris. Elle regarda sa vieille peau ridée, les cernes autour de ses yeux, son nez, ses lèvres. Elle se trouvait des défauts partout. Beaucoup de questions lui passaient par la tête : « Pourquoi devons-nous vieillir ? Pourquoi devons-nous devenir si faibles ? Pourquoi devons-nous être si seuls ? Pourquoi quand on est jeune, on est toujours entouré, et quand on est vieux, tout le monde semble nous avoir oublié ? Pourquoi vivre si c’est pour mourir comme ça ? »

Une larme commença à rouler sur sa joue alors qu’elle pensait à son mari, ses enfants, ses amis, combien elle les aimait et combien ils lui manquaient. Elle commençait à se sentir un peu fatiguée alors elle posa sa tête contre la fenêtre et ferma les yeux pendant un moment, juste pour se reposer quelques minutes. Mais elle s’endormit profondément.

Soudain, le métro déboucha dans la ville dans une lumière éblouissante. Les heures défilèrent alors qu’elle était toujours assise, les yeux fermés, allant d’une station à l’autre. Les gens montaient et descendaient du métro, s’asseyaient à côté d’elle mais personne ne faisait attention à elle. Elle resta dans cette rame toute la journée jusqu’à ce que finalement, quelqu’un prit conscience que la dame assise à côté n’était pas juste endormie.

Publié avec permission. The Last Passage (Le dernier passage) (2011) a reçu le premier prix du concours national d’écriture en anglais au Maroc.

Remerciements : Nous remercions les personnes qui ont contribué à la traduction de cet article : Bailey Roberts, étudiant de la linguistique et du français à Macalester College à St. Paul, MN, Elyse Rozina, traductrice à A Woman’s Paris, étudiante du français et de l’italien à L’Université de Minnesota Twin Cities,  Allison Haberstroh rédactrice à A Woman’s Paris, étudiante du français et de l’anglais à lUniversité de Minnesota Twin Cities et Suzy Keller, traductrice diplômée de l’ITI-RI.

Hicham Sbaa photo

Hicham Sbaa est né en 1987 à Tiznit au Maroc. Il a obtenu un  B.A. en littérature et études anglaises de l’Université Cadi Ayyad à Marrakech en 2008. Pendant son enfance, Hicham a vécu dans de nombreuses villes un peu partout au Maroc comme Tiznit, Taroudant, Kelâa Sraghna, Berkane et Marrakech. Après avoir obtenu son diplôme, son amour pour les cultures et les langues l’a incité à s’inscrire à un programme qui encourage le dialogue interculturel à l’American Language Center en 2009. Depuis peu, il enseigne à l’ALC et depuis deux ans, enseigne l’anglais en tant que deuxième langue. Il rêve de devenir un jour formateur de professeurs d’anglais langue seconde.  

Pendant son temps libre, Hicham écrit des nouvelles. En 2009, il a remporté son premier prix local grâce à une série de trois nouvelles. Sa nouvelle 13 Steps to Nowhere (2010) a remporté le premier prix lors de la première édition du concours national d’écriture en anglais au Maroc. L’année suivante, il a obtenu le premier prix lors de la deuxième édition de ce même concours pour sa nouvelle intitulée The Last Passage (Le dernier passage) (2011). En 2011, ce concours a été organisé par la Moroccan Association of Friends of English (Association marocaine des anglophiles)  en partenariat avec The Regional English Language Office (RELO), le conseil britannique et en collaboration avec l’Université Sidi Mohamed Ben Abdellah. En 2010, il a été organisé par la Moroccan Association of Friends of English (Association marocaine des anglophiles)  en partenariat avec The Regional English Language Office (RELO), l’ambassade américaine et en collaboration avec l’Université Sidi Mohamed Ben Abdellah.

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Text copyright ©2011 Hicham Sbaa. All rights reserved.
Illustration copyright ©2012 Michelle Schwartzbauer. All rights reserved.
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